FERRASSIÈRES



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



FERRASSIÈRES



FERRASSIÈRES (Ferrassierioe). - C'est une commune de l'ancienne Provence, près du Mont-Ventoux, à 10 kilomètres de Sault, à pareille distance de Montbrun, 12 de Séderon et 71 de Nyons. Elle faisait autrefois partie du comté de Sault. Sa population est de 480 individus.
C'est une tradition constante dans cette localité qu'il a existé sur la colline de Lay une bourgade de ce nom, que réduisit en cendres une de ces compagnies de routiers qui, dans le XIIIme et le XIVme siècle, furent partout le fléau des campagnes. La porte de la ville de Sault, du côté de Ferrassières, est encore nommée porte de Lay.
Les habitans qui échappèrent au sac du bourg élevèrent, tout près de leurs anciennes demeures, d'autres habitations pour continuer de cultiver la terre, et formèrent, avec le temps, la nouvelle commune de Ferrassières. Elle se compose de deux petits villages, dont l'un porte le nom de Ferrassièresde-Barret, parce qu'il se trouve sur la limite de Barret-de-Lioure, et l'autre de Ferrassières-de-Montbrun : c'est le chef-lieu de la commune et de la succursale. Le premier de ces villages est aussi nommé les Pascaux, parce que ses habitans s'appellent presque tous Pascal.
Le territoire forme un vallon d'une assez grande étendue, entouré de montagnes et en partie couvert de bois. Aucune rivière, aucun ruisseau de quelque importance n'arrose ce vallon. Il n'y a guère que quelques sources peu abondantes, dont on recueille soigneusement l'eau pour le besoin des bestiaux et des habitans, dans les temps de sécheresse. La sollicitude de l'administration municipale vient cependant de faire cesser pour le chef-lieu ce grave inconvénient, en amenant au village même les eaux de la fontaine qui jaillit de la montagne de Lioure.
Cette pénurie d'eau se fait sentir tout le long de la chaine de montagnes qui se dirige vers la Durance. On en attribue la cause à la nature du sol, qui, étant pierreux et très spongieux, favorise l'infiltration des eaux, qui vont probablement grossir quelque lac souterrain, dont la fontaine de Vaucluse, placée plus bas et au sud-ouest, n'est pour ainsi dire que le déversoir. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il se forme de temps en temps sur le territoire de Ferrassières des abîmes qui reçoivent les eaux pluviales, attirent et engloutissent des masses considérables de terres. Lorsque cela arrive, l'eau de la fontaine de Vaucluse, d'ordinaire fort limpide, prend, dit-on, la teinte rougeâtre de la terre de Ferrassières. Il existe un assez grand nombre de ces excavations profondes, qu'on prendrait pour des cratères de volcans éteints, si l'on ne savait qu'elles ne se forment jamais qu'après la pluie, et qu'à aucune époque il n'en est sorti ni lave, ni cendre, ni fumée (1) (1) Ce phénomène se fait aussi remarquer dans les autres communes de la vallée de Sault, et voici ce qu'on lit dans la Description historique et topographique de la Provence, tome II, page 346, au mot Sault : « Ce qui mérite véritablement l'attention des naturalistes, et qu'aucun d'eux n'a encore observé, c'est une suite de gouffres qui règne tout le long de la montagne depuis au-dessus du lieu de Saint-Christophe, s'étend d'abord est-sud, et décline ensuite un peu vers l'ouest. Ces gouffres sont des abîmes d'une profondeur effrayante. On en compte plusieurs dans le défends et le bois de Monieux. Quand on y jette des pierres, on les entend pendant assez long temps battre en descendant contre les parois du gouffre, et souvent tomber perpendiculairement ; il y en a un où j'entendis la pierre tomber pendant trente-six pulsations du pouls. Il y en a d'autres où l'on entend la pierre tomber dans des réservoirs immenses d'eau. Comme le fond de ces abîmes est plus bas que le sol de la vallée de Sault, ils en absorbent vraisemblablement toute l'eau, et en rendent le terrain aride comme il l'est. Il y a une opinion populaire que ces eaux vont sortir à la fontaine de Vaucluse, qui n'est éloignée que de 4 ou 5 lieues sud-ouest, et qui tient à la vallée de Sault par une chaîne non interrompue de montagnes. Il faut que tout l'intérieur de la montagne où ces gouffres se trouvent soit creux. Il arrive quelquefois qu'il s'en forme de nouveaux par l'affaissement des terres. Ces gouffres sont sans doute les soupiraux d'un immense souterrain, Ils évitent peut-être à ce pays des tremblemens de terre. ».
On voit à Ferrassières l'ancien château de la Gabelle, qui avait appartenu à la famille des Adrets, et qui n'est plus qu'une maison d'exploitation.
On remarque sur la place principale du chef-lieu de la commune deux tilleuls et trois ormeaux les plus gros et les plus majestueux peut-être qu'il y ait dans le département. Un des ormeaux surtout a une telle circonférence que six hommes n'en embrassent pas le tronc. Nous formons le voeu qu'ils protégent encore de leur ombrage de nombreuses générations. L'antiquité les eût considérés comme des objets sacrés, et les détruire serait un acte de vandalisme que les habitans de Ferrassières ne voudront pas, sans doute, avoir à se reprocher.

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